Saturday, June 7, 2008

La tentative de radier les députés qui ont quitté les CNDD-FDD peut-elle aboutir ?

Par Albert Siyonibo, Jr
Antoine de Saint-Exupéry avait raison : „ Droit devant soi, on ne va pas bien loin. « Cela est cruellement vrai en politique, surtout quand on fonce aveuglément, mû par le désir de nuire et de détruire. Tel semble être malheureusement l’attitude du pouvoir du CNDD-FDD, qui n’a jamais pu tirer les leçons que lui administre sans cesse l’histoire immédiate, et qui s’entête à penser que la seule politique efficace, c’est la division, l’exclusion, le fait accompli, la terreur et l’emprisonnement et la violence. La crise qui perdure au sein de l’Assemblée nation ale est la triste illustration d’une cécité politique incroyable, dont on ne sait pas où elle va conduire le pays. La seule certitude est qu’elle maintient le pays dans l’impasse si elle ne l’envoie pas droit dans le mur.

Une accumulation de fautes mais jamais de leçon valable retenue

A quoi ont donc servi les multiples fautes accumulées par le pouvoir : la levée illégale de l’immunité des certains députés, la demande de leur radiation à la cour constitutionnelle et leur exil temporaire ? A quoi ont servi l’emprisonnement et la torture des plusieurs personnalités sous la fausse accusation de préparation de putsch ? A quoi a servi l’exclusion du parti présidentiel de tel ou tel ténor gênant ? A quoi a servi et sert encore la persécution des journalistes ? A quoi ont servi la manipulation et le mépris des textes pour changer les membres du Bureau de l’Assemblée nationale ? A quoi ont servi les tentatives de diviser les partis de l’opposition ? A quoi a servi le non respect de la constitution dans la formation du gouvernement ? A quoi a servi le massacre de Muyinga ? A quoi servira l’affectation intempestive des syndicalistes, trop facilement accusés d’entraver la bonne marche du pays, alors qu’ils ne font que leur travail? Le moins que l’on puisse dire est que tout cela ne renforce pas le pouvoir en place, et ne donne pas de lui l’image d’un régime démocratique et responsable. Et ces gaffes n’ont pas entamé la détermination des Burundais à réclamer la pleine jouissance de leurs droits.

Et maintenant : radier les élus du peuple au mépris de la constitution

Pour faire face à la crise qui perdure à l’Assemblée nationale, le président du CNDD-FDD n’a pas trouvé mieux que d’écrire au président de cette chambre pour lui intimer l’ordre de demander à la cour constitutionnelle de radier de l’Assemblée Nationale les députés qui se disent indépendants. En saisissant la dite cour, le président du perchoir, M. Pie Ntavyohanyuma, s’appuie sur l’article 169 de la constitution qui stipule que „Les candidats présentés par les partis politiques ou les listes d’indépendants ne peuvent être considérés comme élus et siéger à l’Assemblée Nationale que si, à l’échelle nationale, leur parti ou leur liste a totalisé un nombre de suffrages égal ou supérieur à 2&percnt de l’ensemble des suffrages exprimés. « A son avis, personne ne peut se dire indépendant s’il n’a pas été élu comme tel. Mais en l’absence d’une disposition qui interdit un député de quitter son parti, il est difficile d’accréditer une telle conclusion. Apparemment, Mr. Ntavyohanyuma ne s’est pas rendu compte que l’article dont il s’est servi pour radier des membres du parlement ne sert que dans leur accréditation en tant que membres de l’Assemblée Nationale. Pour justifier l’exclusion de qui que ce soit de Assemblée Nationale, il devrait recourir à une autre partie de la constitution, à savoir les dispositions relatives à la perte de la qualité de député telles que consignées dans l’article 156 de la constitution. Celui-ci dit en effet : „Le mandat de député et celui de sénateur prend fin par le décès, la démission, l’incapacité permanente et l’absence injustifiée à plus d’un quart des séances d’une session ou lorsque le député ou le sénateur tombe dans l’un des cas de déchéance prévus par une loi organique. « Lequel de ces critères est rempli dans le cas qui nous concerne ? Où est-il dit que le député qui quitte son parti doit être déchu de sa qualité d’élu du peuple? Est-il possible que le président de Assemblée Nationale ne s’est pas rendu compte qu’il a choisi un outil inadéquat pour justifier l’expulsion de ses collègues ? Ou s’est-il fié encore une fois à la force brutale pour forcer l’acceptation de son dictat ? L’incapacité de l’équipe au pouvoir de reconnaître les limites de leur puissance et les vertus de la pratique du compromis rend la gestion de leur pouvoir inutilement difficile. Il serait surprenant que la cour constitutionnelle réponde favorablement à cette demande mal inspirée. Affaire à suivre.
Source: Burundi realite

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